Commission des Lois : Marc Pena s’oppose fermement à la proposition de loi de Gabriel Attal

Marc Pena

Table des matières

Discussion Générale

Merci Monsieur le Président,

Chers collègues,



Dans un zèle répressif coutumier d’une partie du bloc central, cette proposition de loi confond fermeté et brutalité, autorité et autoritarisme.

Cette confusion, loin d’être anecdotique, est lourde de conséquences. Elle trahit une vision de la société où le pouvoir ne s’exerce plus pour construire, émanciper, mais pour contraindre, stigmatiser.

Après avoir agité le spectre de l’ordre sans contenu en devenant ministre pour occuper l’opinion, Gabriel Attal, redevenu député, s’attaque désormais à la justice des mineurs, sacrifiant nos principes fondamentaux sur l’autel d’une démagogie prête à satisfaire, une nouvelle fois le discours de l’extrême droite.



Ce texte, que vous présentez avec gravité, comme la réponse ultime à la délinquance des mineurs, s’inscrit dans une tradition bien connue à droite : celle qui préfère le bruit des coups de communication à la discrétion des solutions de fond.



Vous proposez ainsi trois mesures qui s’inscrivent dans une logique punitive rétrograde. Trois attaques directes contre les fondements de l’État de droit et de la justice, en particulier celle des mineurs, celle des enfants de la République.

Mais ce texte est bien plus qu’un simple dispositif répressif. C’est un manifeste politique. Il incarne votre populisme: une machine à dévoyer les principes républicains pour offrir des satisfecit à une opinion que vous préférez séduire plutôt qu’élever.



En prétendant « responsabiliser » les familles, vous masquez bien mal le mépris social dont votre texte est imprégné.

Il faut sans doute être né et avoir grandi toute sa vie dans le 7ᵉ arrondissement de Paris, pour imaginer que la délinquance juvénile disparaîtra à coups de sanctions financières ou de travaux d’intérêt général imposés aux parents.

Mais, savez-vous qui vous ciblez ?

Vous ciblez des familles, souvent monoparentales, plongées dans une précarité écrasante. Croyez-vous sérieusement qu’en condamnant un parent pour n’avoir su empêcher les errements de l’un de ses enfants ou de l’un de ses enfants, vous apporterez une réponse digne ?

En 2023, sur les 180 000 mineurs impliqués dans des affaires judiciaires, seuls une minorité étaient impliqués dans des crimes graves. La majorité des faits reprochés relèvent d’infractions mineures, souvent révélatrices des fractures sociales.

Car, je vous l’apprends peut-être, ces mineurs sont des jeunes déscolarisés, exclus par un système éducatif à bout de souffle, qui n’offre ni accompagnement, ni horizon. Des jeunes au ban de la République, délaissés par les services publics les plus fondamentaux. Des jeunes exclus de notre contrat social. 



Ces enfants, ces familles n’ont pas besoin de la matraque législative. Elles ont besoin d’aide, de soutien, d’accompagnement.

Punir les parents, c’est emprunter un chemin bien commode : celui de la culpabilisation individuelle, en jetant le discrédit sur le parent pour masquer les défaillances de l’État.

Ce texte semble ainsi vouloir inscrire dans la loi l’idée que chaque parent, pris isolément, porterait l’entière responsabilité des actes de son enfant. Comme si les contextes sociaux, économiques et même institutionnels pouvaient être balayés d’un revers de main.

Une telle vision est non seulement erronée mais profondément injuste.

C’est bien cela que vous confondez dans ce texte : l’autorité, qui émane d’une confiance collective dans les institutions et dans la capacité de l’État à protéger et à éduquer, avec l’autoritarisme, qui s’impose par la peur et la sanction.

Car l’autorité véritable, voyez-vous, ne se décrète pas, elle se construit. Elle repose sur une société qui garantit l’égalité des chances, sur un système éducatif qui valorise, soutient, sur une justice qui répare au lieu de broyer.

Or, vous proposez précisément l’inverse.

Je veux rappeler ici qu’un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, et que ces enfants sont sur-représentés parmi les mineurs impliqués dans des actes délinquants. Les dispositifs de soutien éducatif ont vu leurs moyens considérablement réduits ces dernières années.

Vous choisissez pourtant de ne pas renforcer ces structures. Vous préférez stigmatiser des familles qui, loin de mériter la réprobation, auraient plutôt besoin d’être soutenues.

En fait, votre texte trahit une obsession : celle de plaire à une opinion publique que vous croyez séduite par le tout-répressif. Mais votre approche, loin de restaurer la confiance, l’érode davantage.

Une justice précipitée, inhumaine et démagogique, n’a jamais convaincu et ne convaincra pas davantage demain.

Je vous remercie.

Discussion générale article 1

Je tiens à exprimer mes profondes réserves, concernant la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui. Cet article, comme il vient d’être présenté, redéfinit l’incrimination du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales envers un mineur.

Cette proposition impute inévitablement une responsabilité excessive aux parents pour les actions commises par leurs enfants.

Cette disposition ignore absolument les multiples facteurs sociaux et économiques qui contribuent à la délinquance juvénile.

Il est injuste et simpliste, de faire porter le poids des comportements déviants des mineurs uniquement sur les épaules des parents. La société a, elle aussi, pleinement son rôle à jouer.

Aussi, l’introduction d’une peine de travail d’intérêt général comme sanction complémentaire pour les parents sera contre-productive. Plutôt que de soutenir les familles dans leur rôle éducatif, cette mesure risque d’aggraver la stigmatisation, sans pour autant garantir véritablement une amélioration du comportement des jeunes concernés.

Enfin, je m’inquiète du manque total de clarté sur les critères qui détermineront la « défaillance » ou la « négligence » parentale.

Comme le dispose l’article 111-4 du Code pénal « la loi pénale est d’interprétation stricte ». Alors qu’il incombe au législateur de lever toute forme de flou juridique, cette ambiguïté pourrait donc mener à des interprétations arbitraires.

Je crois fermement, monsieur le rapporteur, que cette proposition n’apporte pas de solutions adéquates pour traiter efficacement la délinquance des mineurs.

Discussion générale article 3

Chers collègues,

Cet article vise à transposer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation. Une telle démarche s’avère en l’espèce non seulement inutile mais révélatrice d’un travers récurrent dans notre production normative : l’inflation législative.

En voulant systématiquement graver dans la loi des solutions déjà établies par le juge, on alourdit inutilement le corpus normatif, au risque de compromettre sa souplesse. Une telle rigidité affaibli la dynamique même du droit, qui doit pouvoir évoluer par les interactions entre la loi et la jurisprudence et non par une surenchère normative qui devient désormais systématique.

Discussion générale article 4

Avec ce quatrième article, vous souhaitez permettre la comparution immédiate de mineurs.

Dois-je ici rappeler que la justice des mineurs n’est pas celle des adultes ?

La rapidité d’une comparution immédiate, vantée comme une solution miracle, est en réalité une négation des principes fondamentaux de la justice. Les juridictions pour mineurs, déjà accablées par des moyens insuffisants, ne pourront ni recueillir les éléments socio-éducatifs nécessaires ni individualiser correctement les peines.

En 2023, la durée moyenne des peines d’emprisonnement des mineurs atteignait 9 mois, contre 5,5 mois en 2010. Ce durcissement, pourtant continu, n’a jamais endigué la récidive, qui concerne plus de 50 % des mineurs sous cinq ans (Source : Infostat Justice n°186, Ministère de la Justice, juin 2022). Votre proposition ne fait qu’accentuer ce cycle punitif, sans poser de solutions structurelles.

Discussion générale article 5

Par le biais de ce dernier article, vous admettez votre intention de remettre en cause ce que vous appelez vulgairement l’excuse de minorité.

Je souhaite d’abord vous dire qu’il s’agit d’un principe constitutionnel depuis 2002.

Ce n’est pas une excuse, ce principe n’est ni une indulgence, ni un passe-droit comme vous le sous-entendez. Il est la reconnaissance fondamentale qu’un mineur n’est pas un adulte, qu’il a droit à une justice tenant compte de son âge, de son immaturité, et de sa capacité à évoluer.

Or, vous dites en creux que ce principe incite au laxisme. Pourtant, comme beaucoup de vos propos, ceux-là non plus ne résistent pas à l’épreuve des faits. Car, l’emprisonnement concerne déjà une condamnation de mineur de plus de 16 ans sur trois. C’est déjà trop.

Aller au-delà, comme vous le proposez, c’est aligner peu à peu la justice des mineurs sur celle des majeurs. En d’autres termes, c’est leur dire qu’ils n’ont plus droit à la rédemption.

Ce que vous proposez, ce n’est pas une justice ferme. C’est une justice amputée de son humanité et de ses principes.

DG Conclusive

Marc modulera cette proposition de conclusion en fonction de la teneur des débats. En tous les cas, je les suivrai.

Chers collègues, on l’aura compris, cette proposition de loi ne répond pas à la problématique de la délinquance des mineurs.

Elle se contente de désigner des coupables, de flatter une opinion publique parfois lasse, et de donner l’illusion que l’autoritarisme peut remplacer les moyens et l’action de l’État.

Pourtant, légiférer ce n’est pas céder aux sirènes de la facilité ou de la démagogie. Légiférer, c’est faire face aux problèmes, « pour de vrai », si j’ose dire. Cela demande du travail, des moyens, une vraie réflexion sur l’éducation et les inégalités.

Ce texte, lui, divise, stigmatise.

Voilà pourquoi nous, socialistes, le rejetterons.

Non par simple opposition, mais au nom d’une autre vision de la société : une société qui prévient et accompagne au lieu d’exclure.

Aujourd’hui certains invoquent les « valeurs » pour mieux échapper au droit, d’autre une autorité mal comprise, pour le mal traiter.

Comme l’exprimait en son temps Robert Badinter, la fonction expressive de la justice a tout autant d’importance que sa fonction répressive. Ainsi, la loi pénale exprime-t-elle, par les sanctions qu’elle édicte, le système de valeurs d’une société.

Chers collègues, j’invite chacun d’entre vous à vous en souvenir au moment de votre vote final.

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